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Destinées

Drifa Hidalgo

À peine ai-je prononcé les premiers mots que ma grand-mère, comme répondant à un appel, est venue s’asseoir près de moi. Je retrouvais alors le temps d’hier. La chanson du souvenir, cette berceuse qu’elle chantait et qui m’apaisait tant, enfant. Naturellement, je posais à nouveau ma tête sur ses genoux. Naturellement, elle caressa mes cheveux. Nous retrouvions le fil tendu de notre histoire. Celle que j’avais entrepris d’écrire. Je vais t’aider, me souffla-t-elle dans sa langue unique, mélange de berbère, d’arabe et de français. Moi je sais hier, et toi demain…

Je me laissais guider, déambulant dans le grand souk d’Oran.

 

-      Sens, vois, écoute, me dit-elle, toutes ces couleurs, ces odeurs, ces visages, ces cris, ces chants, cette bruyance de la ville, c’est tout cela mon trésor, celui que j’ai emporté dans la grande traversée pour rejoindre mon mari, ton grand-père. Et n’oublie pas non plus, quand tu nous raconteras, de rappeler nos origines berbères, ce peuple le plus vieux d’Afrique du nord, qu’on appelle les hommes libres.

 

Tant de questions me venaient à l’esprit. Ces questions auxquelles de son vivant, elle avait répondu parfois en préparant un plat de là-bas, en susurrant un chant lointain dont je n’ai retenu que la mélodie, en évoquant un souvenir qui m’échappait mais dont la douleur s’est figée pour toujours dans ses yeux en larmes, mais aussi ses you you de joie ou de peines, ses sourires, ses grands rires, et surtout ses longs silences comme des pages blanches à remplir.

 

-       Et tu n’as jamais regretté ton pays, mamie ?

-       Comment ne pas regretter la douceur de l’enfance, ma fille. Mais ici, j’ai recomposé d’autres paysages, d’autres émotions. Et puis, nous nous sommes tous bien amarrés à ce grand vaisseau qu’est la France. Le voyage se poursuit.

D’une rive à l’autre, c’est le même fil qui nous relie. Je n’ai jamais compris ceux qui me demandaient lequel des deux pays je préférais.

Pourquoi choisir ? L’Algérie, la France, nous y avons posé nos peines, nos larmes, nos joies, nos vies simplement. Notre cœur est assez grand pour contenir deux continents…

Je te laisse, me dit-elle, mais j’aime bien que tu aies choisi de prendre le prénom de Difra pour écrire notre histoire.

 

Voilà, tout était dit. J’allais pouvoir commencer à écrire l’histoire de ma famille, celle de Difra, ma grand-mère, cette femme si forte, que j’admirais tant…

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La presse en parle

Le Monde - Ce premier roman est touchant de vérité. Dans un style épuré, cette jeune autrice Difra Hidalgo nous fait revivre l’émigration d’une famille qui a su replanter ces racines dans sa terre d’adoption.

L’Humanité - Une histoire sensible, où l’histoire d’une immigration peut-être simplement celle d’un accueil véritable et d’un amour réciproque. Pourquoi choisir une partie plus que l’autre de son histoire, interroge la grand-mère et sa petite fille.
Quel est ce diktat qui voudrait que l’on ait à choisir entre père et mère.
Ne va-t-il pas de soi que l’histoire d’une nation est avant tout faite de sa diversité.
Un texte plein d’humanité qui nous éloigne de tant d’étroitesses d’esprit.

Philosophie Magazine - Un texte qui nous interroge tous sur nos origines et sur notre identité.

LIRE - L’histoire que nous raconte la jeune Difra se déroule sur une terre d’accueil, une terre que sans cesse l’Histoire a marqué de son sceau. Le 19e siècle voit se développer à Montataire un fort bassin industriel. Une conscience ouvrière, de combat, de solidarité en sera le corollaire. Tous les combats de solidarité, de fraternité qui ont marqué le 20e siècle ont eu ici une expression forte. Une terre de France où au-delà des origines, c’est d’abord sa condition de travailleur qui présidait à la solidarité et au partage.

Marianne – « J’ai deux amours », chantait Joséphine Becker. La chanson convient parfaitement à cette histoire. Avec ce texte on comprend que l’intelligence et l’ouverture d’esprit de part et d’autre sont des éléments qui permettront à une famille immigrée, pour des générations entières, un enracinement véritable.

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